Dans un entretien accordé au journal Le Monde, le chef de l’État dénonce la complicité de la communauté internationale. Pour Félix Tshisekedi : « Le Rwanda n’est pas seul responsable des malheurs du Congo ».
La RDC fait face à une rébellion dans l’est du pays, menée par le Mouvement du 23 mars (M23), ce groupe armé est activement soutenu par le Rwanda, selon des rapports les Nations unies (ONU).
Le président de la République a eu des mots très durs par rapport à la position de la communauté internationale. Pour le président, les Occidentaux sont des receleurs. Les institutions occidentales ont signé un accord sur les minerais avec le Rwanda alors que ces richesses sont pillées au Congo.
Ils sont complices, a dit le président : « Je vais être très dur, c’est de la complicité. Quand on a accusé Kagame de piller les ressources de la RDC, il a affirmé lui-même que [ces dernières] prenaient la direction d’autres pays et qu’elles étaient transformées là-bas. Ces pays font donc du recel ».
Les condamnations du Rwanda sont insuffisantes
« Savez-vous combien de sanctions il y a eu dans le cas de la Russie et de l’Ukraine », s’est interrogé le président ?
« Je ne sais même plus, tellement elles ont été nombreuses. Récemment, à la mort de [l’opposant russe] Alexeï Navalny, il y en a eu 500 prises aux Etats-Unis. Pour un individu. Au Congo, il y a eu dix millions de morts. Combien de sanctions contre le Rwanda ? Zéro. Et quand Kagame vient en Europe, on lui déroule encore le tapis rouge. Si ce n’est pas du deux poids, deux mesures, dites-moi ce que c’est », a poursuivi le président.
La démarche de l’Europe, pourtant partenaire naturel de l’Afrique, est biaisée. Quand l’Union européenne accorde 20 millions d’euros d’aide à l’armée rwandaise, soi-disant pour l’aider à lutter contre les groupes djihadistes au Mozambique, ou quand cette même institution signe un accord sur les minerais avec le Rwanda, alors que ces richesses sont pillées au Congo, c’est incompréhensible et inaudible par l’opinion.
Le chef de l’État a répondu aussi sur l’absence de progrès des opérations militaires congolaises et la progression du M23.
S’il a reconnu quelques avancées sur certains axes, il a relativisé ces progressions. Dans l’ensemble, l’armée congolaise se défend trop bien, le M23 a été repoussé. Ils comptent d’ailleurs beaucoup de morts dans leurs rangs. Cette guerre n’empêche pas de continuer les réformes de l’armée. Le président a reconnu qu’il a hérité une armée truffée de rebelles qui ont été intégrés après la signature d’accords pour résoudre les précédentes crises impliquant des groupes armés, soutenus par le Rwanda. Cela explique les vraies difficultés que la RDC a aujourd’hui.
« Il faut séparer le bon grain de l’ivraie. Il y a des traîtres dans notre armée. Pas uniquement des rwandophones, il y a aussi des Congolais d’autres expressions linguistiques. Aujourd’hui, nous nous battons à la fois contre un ennemi visible, le Rwanda, et un invisible, ceux qui ont infiltré nos rangs », a dit le président.
Le président a refusé d’avoir fait recours à des mercenaires. Il s’agit de deux sociétés militaires étrangères privées, Congo Protection et Agemira, dirigée par un Français, Olivier Bazin, ils sont là pour former nos soldats. Ceux qui les appellent des mercenaires font un abus de langage.
Les mercenaires se battent et sont payés pour ça. Tandis que les sociétés d’instructeurs renforcent les capacités sur le terrain. Il leur arrive d’être sur le théâtre des opérations, mais ils ne se battent pas.
Le président a pris la défense des « Wazalendo », ces jeunes enfants soldats qui se battent aux de nos forces armées.
Ils épaulent l’armée, et ont besoin d’encadrement, car leur choix de défendre la patrie est louable.
: « Mais arrêtez de regarder cette situation comme étant une situation normale, nous sommes ici dans un monde irréel. Certains d’entre eux ont vu leurs parents se faire violer, d’autres se faire massacrer ou décapiter. Ce ne sont pas des gens qui raisonnent comme vous et moi. Mettez-vous à leur place un seul instant. Ils se défendent avec tout ce qu’ils ont pour le faire. Il faut juger les agresseurs, ceux qui les poussent à entrer dans cet état. Arrêtez vos regards occidentaux qui commencent à agacer les Africains. Vous les jugez en disant qu’il y a des normes internationales. Mais ils sont dans un tel état d’esprit qu’ils n’obéissent plus à rien, y compris à nous-même. J’ai mis beaucoup de temps à établir un contact avec eux, à cause de la politique de bon voisinage que j’ai menée au début de mon premier mandat. Les Wazalendos m’ont considéré comme un traître pendant au moins trois ans. C’est lorsque cette politique a échoué, à cause, évidemment, du comportement du Rwanda, que j’ai basculé dans le camp du radicalisme », a conclu le président.
Jean-Claude Mombong