Suite à l’autorisation donnée par l’Assemblée nationale de lever les immunités parlementaires du ministre d’État, ministre de la Justice, Constant Mutamba, les regards sont désormais tournés vers les prochaines étapes judiciaires. L’affaire porte sur un paiement controversé de 19 millions de dollars américains dans un marché public non approuvé, concernant la construction d’une prison à Kisangani, province de la Tshopo.
Mais que dit le droit congolais après une telle décision ? ; quelles sont les étapes qui suivent ? Voici une analyse détaillée fondée sur les textes légaux en vigueur en RDC par la rédaction de la Gazette du Continent.
Levée des immunités : un préalable, pas une condamnation
La levée des immunités parlementaires permet uniquement l'ouverture d'une instruction judiciaire contre un ministre. Elle ne constitue ni une condamnation, ni une reconnaissance de culpabilité. Référence légale : Article 107 de la Constitution de la RDC : « Aucun député national ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté [...] sans l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale ».
Dans ce cas, Constant Mutamba, bien qu’étant ministre et non député, bénéficie d’une protection équivalente du fait de son statut de membre du gouvernement. Le procureur général près la Cour de cassation est donc obligé de solliciter cette autorisation pour entamer une instruction judiciaire officielle.
Instruction judiciaire : ouverture de l’enquête
Après cette levée d’immunités, le procureur général près la Cour de cassation peut désormais, entendre le ministre ; réunir des preuves ; confronter les témoignages et demander des actes complémentaires (perquisitions, saisies de documents…). Cette étape est non publique et secrète. Elle vise à déterminer si les éléments matériels et intentionnels de l’infraction sont réunis.
Référence légale : Article 153 de la Constitution : La Cour de cassation est compétente pour juger les membres du gouvernement en matière pénale. Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 sur l’organisation, le fonctionnement et la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, articles 70 à 73.
Deuxième demande à l’Assemblée : poursuite pénale formelle
Si le procureur estime, à l’issue de l’instruction, que les charges sont suffisantes pour poursuivre le ministre, il doit revenir devant l’Assemblée nationale pour solliciter cette fois-ci l’autorisation de poursuite pénale.
C’est à ce moment seulement que le ministre peut être traduit devant la Cour de cassation, la juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement. Référence légale : Article 164 de la Constitution : « La Cour de cassation est compétente pour juger en premier et dernier ressort les infractions commises par les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions ».
Possibilité de détention préventive ?
Tant que l’autorisation de poursuite n’est pas donnée, le ministre ne peut pas être placé en détention préventive, même si l'instruction est ouverte. Il reste présumé innocent, avec liberté de mouvement garantie.
Risques encourus en cas de poursuites confirmées
Si les poursuites sont autorisées et que les faits sont avérés, les chefs d’accusation les plus probables sont : détournement des deniers publics, (Article 145 du Code pénal congolais, Livre II). Les peines de 5 à 15 ans de servitude pénale et amendes, ainsi que l’interdiction d’exercer toute fonction publique peuvent être envisagées et de violation des procédures de passation des marchés publics avec pour sanctions prévues dans la Loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics.
Signalons que ce cas Constant Mutamba illustre le fonctionnement des mécanismes de redevabilité des dirigeants en République Démocratique du Congo, bien que critiqués pour leur lenteur ou leur politisation. La suite dépendra des preuves rassemblées par le procureur, et d’une deuxième décision de l’Assemblée nationale. La justice suit son cours. En attendant, le ministre reste présumé innocent, comme le garantit l’article 17 de la Constitution.
Magloire Mutulwa