Le Syndicat autonome des magistrats du Congo (Synamac) a suivi avec stupéfaction, indignation et colère les images devenues virales sur les réseaux sociaux d'un magistrat se faisant molester jusqu'à être déshabillé sur instruction de l'administrateur du territoire de Ndjolu dans la Province de la Tshuapa.
Sans vouloir épiloguer sur les raisons de cette action punitive, pareille agression d'un magistrat par le fait d'un politique est inacceptable.
Le Synamac demande au Procureur général près la Cour d'Appel de la Tshuapa de se ressaisir au plus vite et de réprimer tout auteur ou complice qui a eu à outrager ce magistrat.
Faute de quoi, le Synamac se réserve le droit, pour l'honneur du corps judiciaire, de demander au Procureur général près la Cour de Cassation d'ouvrir à sa charge une action disciplinaire avec mesure d'interdiction, s'il échet, pour avoir ordonné la levée de la détention d'une personne poursuivie pour viol d'un enfant de 12 ans suite aux pressions politiques, violant ainsi son indépendance comme "maître de l'action publique".
Étant donné que c'est la énième fois qu'un magistrat soit agressé dans l'exercice de ses fonctions sur instigation des autorités politiques (le cas d'Inongo à Maï-Ndombe est encore frais à nos mémoires), le Synamac se réserve de prier à ses membres se trouvant dans l'insécurité avérée de se retirer de leurs postes d'affectation. Et ce, après en avoir avisé la hiérarchie dont ils dépendent ainsi que le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Car, la sécurité d'un magistrat doit être désormais la priorité de son exercice professionnel.
Le Synamac relève que les magistrats qui se sacrifient en rejoignant leur lieu d'affectation sans frais de déplacement, ni frais d'installation, encore moins sans frais de fonctionnement méritent considération, et ne peuvent être le bouc émissaire de certains acteurs politiques qui ne se gênent plus d'exercer leur trafic d'influence.
Le Synamac demande au Secrétaire permanent du CSM de rappeler aux premiers présidents des Cours d'Appel et les Procureurs généraux près ces Cours qu'ils sont l'émanation ou le prolongement du CSM en provinces, dans leurs ressorts respectifs. A ce titre, ils doivent veiller au logement des magistrats, à leurs conditions de travail et à pourvoir même à leur prise en charge médicale et funéraire, s'il le faut.
Difficiles conditions de travail
"Le Procureur général de la Tshuapa avec qui nous avons conféré et les autres autorités provinciales ont pris des dispositions non seulement à l'égard de l'administrateur du territoire de la Tshuapa mais aussi à l'égard du chef d'antenne de l'Agence nationale des renseignements (ANR)", a déclaré le président du Synamac, Edmond Isofa.
Les justiciables demandent aux magistrats de couvrir l'ensemble du territoire national mais on ne les met pas dans les conditions de pouvoir travailler convenablement. Le nom d'un sénateur est cité. C'est lui qui a fait pression pour qu'on libère le suspect. "Dès lors qu'un magistrat est dans ce milieu, il n'a pas le contrôle de la police. Les services de sécurité et les forces de l'ordre font allégeance à des hommes politiques de terroir et à l'administrateur de territoire. Voyez-vous dans quelles conditions les magistrats travaillent ? Dans le cas sous examen, le magistrat a fait une descente pour vérifier lors de la présentation du Test national de sélection, d'orientation scolaire et professionnelle (Tenasosp). C'est à cette occasion que le parquet a appris que les chefs d'établissements d'enseignement raçonnaient les parents et demandaient de l'argent alors que le test est gratuit. C'est à titre-là qu'il est descendu pour des investigations.
"Alors, les personnes qui en tirent profit, ce sont celles-là qui l'ont empêché de travailler. On a commencé par le séquestrer dans un établissement scolaire pour que le lendemain qu'il soit molesté et même retenu pendant quelques heures. C'est dans ce sens-là que nous avons réagi".
Même si le magistrat était accompagné, ce sont les mêmes policiers qui dépendent de leur chef hiérarchique ou d'un administrateur du territoire puisqu'ils sont les tout-puissants qui les commandent. Ce sont eux qui ont des policiers sous leur contrôle. Des policiers qui sont censés assurer la sécurité des autorités ont fait allégeance aux hommes politiques.
Pas de crainte pour la santé du magistrat molesté
"Physiquement, le magistrat molesté n'a pas à se plaindre. Seulement, ses habits ont été déchirés. Moralement, il a été atteint bien sûr. Nous, nous ne sommes qu'un syndicat. Nous ne sommes pas là pour saisir qui que ce soit. Il appartient aux autorités politiques, qui à longueur de journées, et ce sont les mêmes sénateurs et politiques qui démarchent pour qu'il y ait des magistrats dans leurs coins et recoins. Ils voudraient à ce que les magistrats soient à leur service. Or, les magistrats ne peuvent pas être à leur service, même s'ils demandent à ce qu'ils soient affectés dans leurs circonscriptions électorales".
Il appartiendra aux gens de tirer les conséquences. "Nous mettons désormais l'accent sur la sécurité des magistrats", a insisté Edmond Isofa.
Abandonné d'un corps d'un magistrat décédé
Les magistrats n'ont pas que des obligations, ils ont aussi des droits. A défaut pour eux de s'acquitter de leur mission, que le CSM puisse constater leur inaptitude à diriger et en tirer toutes les conséquences idoines.
Car, il est inacceptable de voir que le corps d'un magistrat décédé soit abandonné, couvert d'un drap malpropre et transporté sur une moto comme du bétail. Alors que durant toute sa carrière, il ne cesse de vouer du respect à la hiérarchie.
De même, de voir un magistrat ayant répondu à son poste d'affectation perdre femme et enfants puisque faute de moyens, il les a laissés embarquer à bord de la baleinière ayant récemment fait naufrage sur la rivière Kwa dans la province de Mai-Ndombe.
Il est plus que temps que la hiérarchie puisse à son tour s'occuper socialement du magistrat et veiller à protéger son honneur.
La Gazette du Continent