Le Parc National des Virunga a lancé le lundi 21 avril 2025 son centenaire, marquant cent ans d’existence au service de la nature, de la paix et des communautés.
C’est à Beni, au Gouvernorat du Nord-Kivu, que s’est tenue la cérémonie officielle de lancement de cette année commémorative, sous la présidence du Gouverneur militaire de la province, le Général-Major Kakule Soma Eva.
Dans un discours solennel, le chef de l’exécutif provincial a souligné l’importance stratégique, écologique et humaine de ce patrimoine mondial. Il a dressé un constat sans détour des multiples défis sécuritaires auxquels fait face le parc aujourd’hui, tout en rendant un hommage appuyé et profondément ému aux éco-gardes tombés dans l’exercice de leurs fonctions : plus de 220 en deux décennies. Leur sacrifice, a-t-il affirmé, « incarne le courage silencieux de ceux qui protègent la vie, souvent au péril de la leur ».
La cérémonie s’est déroulée en présence d’un public diversifié : société civile, députés provinciaux, environnementalistes, officiers de l’armée et partenaires institutionnels. Elle a également été marquée par l’allocution du Directeur provincial de l’ICCN, Emmanuel de Merode, qui a rappelé avec gravité que « le parc, centenaire aujourd’hui, est aussi un champ de bataille permanent entre conservation et destruction ».
Créé en 1925 sous le nom de Parc Albert, rebaptisé Virunga en 1969, ce parc s’étend sur 7.900 km², du lac Édouard aux sommets glaciaires des Rwenzori. Il est le berceau d’une biodiversité unique au monde, incluant gorilles des montagnes, chimpanzés, éléphants, lions et la plus grande concentration d’hippopotames du continent.
Mais derrière cette richesse se cachent des réalités complexes. Environ la moitié du parc est aujourd’hui sous contrôle de groupes armés (ADF, M23, FDLR, Maï-Maï). Ces milices, estimées à près de 1.500 combattants, tirent quelque 30 millions de dollars par an du pillage des ressources naturelles.
Pourtant, le travail de conservation ne fléchit pas. Aucun cas d’extinction d’espèce n’a été recensé en cent ans. La population de gorilles continue de croître (+ 4,5 %/an), les éléphants sont de retour (544 recensés en 2024, un record en 40 ans) et les hippopotames se maintiennent autour de 1.300 individus. Sur le terrain, 1.516 agents permanents, dont 40 femmes, travaillent quotidiennement à la préservation de ce sanctuaire.
Face aux menaces, le parc se fortifie, trois campements militaires (FOB) ont été installés à Mutwanga, Bulongo et Mangina ; 125 km de clôtures électriques protègent les zones d’interaction entre humains et faune, et 577 km de frontières sont désormais matérialisés.
Le secteur touristique, autrefois prospère (15.000 visiteurs en 2015), a été lourdement affecté par l’insécurité, mais reste symboliquement la première destination touristique du pays. Le parc n’a jamais cessé d’investir dans l’accueil et la sécurité des visiteurs.
Pilier du développement régional, l’Alliance Virunga s’appuie sur quatre leviers : énergie, agriculture, pêche et entrepreneuriat. Ses quatre centrales hydroélectriques alimentent aujourd’hui 39.425 ménages et entreprises, touchant plus de 700.000 personnes et un million d’habitants accédant à l’eau potable. Plus de 8.000 producteurs agricoles sont soutenus, 80.000 pêcheurs bénéficient de la chaîne du froid, portée en grande partie par des femmes, et 725 PME sont aidées via un microcrédit remboursable en électricité.
Les résultats sont tangibles, 21.600 emplois indirects créés, 2,13 millions de dollars injectés dans le tissu entrepreneurial, et 5 millions de recettes fiscales versés chaque année au Trésor public. Neuf écoles ont été construites, trois centres de santé rénovés, et 1.000 anciens combattants réintégrés à la vie civile par des programmes concrets.
Le centenaire de Virunga n’est pas qu’un anniversaire : c’est un jalon historique, une promesse renouvelée. Emmanuel de Merode a conclu en appelant à « une alliance sacrée entre les communautés, l’État congolais et les partenaires, pour faire des cent prochaines années un horizon de paix, de prospérité et de souveraineté ».
Magloire Mutulwa